COP26 : la crise climatique, un défi de taille pour le secteur immobilier
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11 / 12 / 2021
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Après avoir réuni les dirigeant·es du monde entier à Glasgow pendant deux semaines, la COP26 s’est achevée mi-novembre. Depuis, nous ne pouvons fermer les yeux sur la situation environnementale et ignorer la responsabilité du secteur immobilier dans ce domaine. Comme l’a affirmé Boris Johnson, « il est minuit moins une sur l’horloge de l’apocalypse. Nous devons agir maintenant. »
En 2016, lors de la COP21, 196 délégations ont adopté l’accord de Paris, un traité international juridiquement contraignant visant à maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2 °C/35,6 °F. Toutefois, cet objectif ne pourra être atteint sans une intensification considérable de nos efforts.
D’après le Programme des Nations unies pour l’environnement, le secteur immobilier est à l’origine de 38 % des émissions de carbone dans le monde et consomme environ 40 % de l’énergie mondiale. Il joue ainsi un rôle absolument essentiel. Or, les solutions sont nombreuses pour les propriétaires et promoteur·rices qui souhaitent opérer des transformations durables dont bénéficieront les générations d’aujourd’hui et de demain.
La neutralité carbone, une nécessité absolue
Le secteur financier, soumis à de strictes réglementations et à un contrôle rigoureux, va nécessairement contraindre le domaine de l’immobilier à viser la neutralité carbone. Ainsi, l’adoption de nouvelles règles va notamment obliger toutes les entreprises cotées en bourse au Royaume-Uni à prendre des mesures écologiques. De même, les immeubles ne disposant pas d’un plan de neutralité carbone pourraient se voir privés de financement d’ici à deux ans, comme l’a annoncé Guy Grainger, responsable du développement durable de JLL, lors de l’événement récemment organisé par CREtech.
Pour respecter les dernières obligations en matière de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), les investisseur·ses vont devoir rapidement intégrer de nouvelles réalités dans leurs prises de décision. En effet, on estime à plus de 7 milliards d’euros le budget nécessaire pour rénover l’ensemble des immeubles en Europe seulement. Pour diminuer le niveau d’incertitude qui plane aujourd’hui sur le marché de l’investissement immobilier, les décisionnaires doivent convenir d’objectifs concrets et adopter une stratégie d’évaluation comparative permettant la réaffectation des capitaux et des compétences.
En choisissant de s’installer dans un immeuble plutôt qu’un autre, les locataires jouent également un rôle crucial. Ainsi, pour 63 % des salarié·es, il est très important de travailler dans un espace respectueux de l’environnement. Parmi les personnes interrogées, une sur cinq refuserait même de travailler dans un immeuble ne répondant pas à ce critère.
Les bureaux doivent désormais s’affirmer comme des espaces durables. Des multinationales aux PME, toutes les entreprises exigent d’avoir accès aux données relatives à la durabilité et à la consommation d’énergie de l’immeuble qu’elles occupent. Comme nous l’ont confié les représentant·es d’une entreprise multimilliardaire d’envergure internationale, « investisseur·ses et propriétaires doivent avoir conscience que la neutralité carbone est essentielle au maintien de leur activité ».
Quelle solution aujourd'hui ?
Dans son discours face aux délégué·es de la COP26, Sir David Attenborough a affirmé que notre espèce se démarquait par sa capacité à « trouver des solutions ». Or, nous devons absolument en trouver une, et rapidement. Il est vrai, toutefois, que de nombreuses solutions ont déjà été proposées, et que la difficulté réside avant tout dans leur mise en pratique.
Aujourd’hui, le secteur immobilier se concentre presque exclusivement sur le carbone lié à l’utilisation, au détriment du carbone incorporé dans la construction. Or, comme l’a déclaré Joe Giddings, coordinateur du réseau Architects! Climate Action Network, « nous devons réfléchir à l’origine de nos matériaux, à leur production et à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. »
Tandis que le carbone opérationnel correspond aux émissions quotidiennes dues à l’utilisation d’un immeuble (éclairage, chauffage ou climatisation, par exemple), le carbone incorporé peut être défini comme l’ensemble des émissions produites pendant la fabrication des matériaux et la construction de l’immeuble.
La plupart des projets de développement reposent principalement sur deux matériaux extrêmement polluants : le béton et l’acier. Pour protéger notre planète, nous devons donc trouver de nouvelles manières de produire ces matériaux.
Il est par exemple possible de remplacer le béton traditionnel, responsable d’environ 8 % des émissions de carbone dans le monde, par du ciment géopolymère. Composée à 96 % de déchets recyclés provenant des mines et carrières, de l’industrie métallurgique, des stations d’épuration, des usines d’incinération et du secteur agricole, cette alternative à faible émission de carbone constitue une solution précieuse pour pallier les problèmes liés à l’utilisation actuelle du béton.
L’acier, quant à lui, est fabriqué à partir de fer, lui-même contenu dans les minerais de fer. Le processus consistant à extraire le fer et à le transformer en acier est très long et produisait encore récemment de fortes émissions de carbone. La fabrication de l’acier représente 7 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Or, d’après certaines estimations, la demande mondiale devrait presque doubler d’ici à 2050. Ce chiffre préoccupant doit donc nous inciter à trouver rapidement une alternative durable.
Une initiative suédoise récente, connue sous le nom de « projet Hybrit » (Hydrogen Breakthrough Ironmaking Technology), consiste à remplacer le carbone par de l’hydrogène et, ainsi, à fabriquer de l’acier sans énergie fossile. Bien plus propre, ce processus ne génère plus de dioxyde de carbone, seulement de l’eau.
Malheureusement, « l’acier vert » n’est pour l’instant produit qu’à petite échelle. Pour que les promoteur·ices se tournent vers l’acier vert, il est donc primordial que sa demande augmente sur le marché et que les gouvernements soutiennent financièrement sa production.
Agir aujourd'hui pour le monde de demain
Si l’éventualité du « merveilleux redressement » évoqué par David Attenborough a de quoi nous faire rêver, le chemin à parcourir pour y arriver sera éprouvant. En effet, un tel redressement nécessite des efforts intenses et une forte détermination. De même que l’on ne guérit pas d’une jambe cassée sans se confronter à la douleur des premiers pas, nous ne pourrons sauver notre planète sans accepter l’inconfort inhérent à la transformation de notre mode de vie.
Tandis que les économies et régions du monde entier doivent absolument travailler de concert dans le secteur immobilier, propriétaires et occupant·es doivent collaborer afin d’atteindre leurs objectifs en matière de critères ESG. L’heure n’est plus à la compensation des émissions de carbone, mais à leur réduction en amont. En effet, la compensation – aussi bien intentionnée soit-elle – ne permet pas de traiter la source du problème : la faible efficacité énergétique des immeubles.